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Morale.

leur temple. Sachez, leur dit-il, que jamais les Romains ne condamnent personne sans l’entendre.

Si les Juifs manquaient de morale ou manquaient à la morale, les Romains la connaissaient & lui rendaient gloire.

La morale n’est point dans la superstition, elle n’est point dans les cérémonies, elle n’a rien de commun avec les dogmes. On ne peut trop répéter que tous les dogmes sont différens, & que la morale est la même chez tous les hommes qui font usage de leur raison. La morale vient donc de Dieu comme la lumière. Nos superstitions ne sont que ténèbres. Lecteur, réfléchissez. Étendez cette vérité ; tirez vos conséquences.


MOYSE.



En vain plusieurs savants ont cru que le Pentateuque ne peut avoir été écrit par Moïse[1] Ils disent que par l’Écriture même il

  1. Est-il bien vrai qu’il y ait eu un Moïse ? Si un homme qui commandait à la nature entière eût existé chez les Égyptiens, de si prodigieux événements n’auraient-ils pas fait la partie principale de l’histoire d’Égypte ? Sanchoniaton, Manéton, Megastène, Hérodote n’en auraient-ils pas parlé ? Joseph l’historien a recueilli tous les témoignages possibles en faveur des Juifs ; il n’ose dire qu’aucun des auteurs qu’il cite, ait dit un seul mot des miracles de Moïse. Quoi ! le Nil aura été changé en sang ; un ange aura égorgé tous les premiers-nés dans l’Égypte ; la mer se sera ouverte, ses eaux auront été suspendues à droite & à gauche, & nul auteur n’en aura parlé ! & les nations auront oublié ces prodiges, & il n’y aura aucun petit peuple d’esclaves barbares qui nous aura conté ces histoires des milliers d’années après l’événement ?

    Quel est donc ce Moïse inconnu à la terre entière jusqu’au tems où un Ptolomée eut, dit-on, la curiosité de faire traduire en grec les écrits des Juifs ? Il y avait un grand nombre de siècles que les fables orientales attribuaient à Bacchus tout ce que les Juifs ont dit de Moïse. Bacchus avait passé la mer Rouge à pied sec, Bacchus avait changé les eaux en sang, Bacchus avait journellement opéré des miracles avec sa verge ;