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Des Loix. Sect. II.

dommage que dans aucun cas elle ne puisse jamais être Reine de France. Quoi, lui dis-je, si on avait le malheur de perdre tous ses parents, & les Princes du sang, (ce qu’à Dieu ne plaise) elle ne pourrait hériter du Royaume de son père ? Non, dit l’Avocat, la loi Salique s’y oppose formellement. Et qui a fait cette loi Salique ? dis-je à l’Avocat. Je n’en sais rien, dit-il, mais on prétend que chez un ancien peuple nommé les Saliens, qui ne savaient ni lire ni écrire, il y avait une loi écrite qui disait qu’en terre Salique fille n’héritait pas d’un aleu, & cette loi a été adoptée en terre non Salique. Et moi, lui dis-je, je la casse ; vous m’avez assuré que cette Princesse est charmante & bienfaisante, donc elle aurait un droit incontestable à la couronne, si le malheur arrivait qu’il ne restât qu’elle du sang royal ; ma mère a hérité de son père, & je veux que cette Princesse hérite du sien.

Le lendemain mon Procès fut jugé en une chambre du Parlement, & je perdis tout d’une voix ; mon Avocat me dit que je l’aurais gagné tout d’une voix en une autre chambre. Voilà qui est bien comique, lui dis-je ; ainsi donc chaque Chambre chaque loi. Oui, dit-il, il y a vingt-cinq commentaires sur la coutume de Paris ; c’est-à-dire, on a prouvé vingt-cinq fois que la coutume de Paris est équivoque ; & s’il y avait vingt-cinq chambres de juges, il y aurait vingt-cinq jurisprudences différentes. Nous avons, continua-t-il, à quinze lieues de Paris une Province nommée Normandie, où vous