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Des Loix. Sect. II.

les étrangers qui aborderaient dans Attole, seraient mis en servitude. Ce ne peut être une loi, dit l’Essénien, car elle n’est pas dans le Pentateuque ; on lui répondit qu’elle était dans le digeste du pays, & il demeura esclave : il avait heureusement un très bon maître fort riche, qui le traita bien, & auquel il s’attacha beaucoup.

Des assassins vinrent un jour pour tuer le maître, & pour voler ses trésors ; ils demandèrent aux esclaves s’il était à la maison, & s’il avait beaucoup d’argent ? Nous vous jurons, dirent les esclaves, qu’il n’a point d’argent, & qu’il n’est point à la maison ; mais l’Essénien dit, La loi ne permet pas de mentir, je vous jure qu’il est à la maison, & qu’il a beaucoup d’argent ; ainsi le maître fut volé & tué ; les esclaves accusèrent l’Essénien devant les juges, d’avoir trahi son patron ; l’Essénien dit qu’il ne voulait mentir, & qu’il ne mentirait pour rien au monde, & il fut pendu.

On me contait cette histoire, & bien d’autres semblables dans le dernier voyage que je fis des Indes en France. Quand je fus arrivé, j’allai à Versailles pour quelques affaires, je vis passer une belle femme, suivie de plusieurs belles femmes. Quelle est cette belle femme, dis-je à mon Avocat en Parlement, qui était venu avec moi, car j’avais un Procès en Parlement à Paris, pour mes habits qu’on m’avait faits aux Indes, & je voulais toûjours avoir mon Avocat à mes côtés ? C’est la fille du Roi, dit-il, elle est charmante & bienfaisante, c’est bien