Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 2.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
Des Loix. Sect. I.

DES LOIX.

Première Section.



Les moutons vivent en société fort doucement, leur caractère passe pour très débonnaire, parce que nous ne voyons pas la prodigieuse quantité d’animaux qu’ils dévorent. Il est à croire même qu’ils les mangent innocemment & sans le savoir, comme lorsque nous mangeons d’un fromage de Sassenage. La république des moutons est l’image fidèle de l’âge d’or.

Un poulailler est visiblement l’État monarchique le plus parfait. Il n’y a point de Roi comparable à un coq. S’il marche fièrement au milieu de son peuple, ce n’est point par vanité. Si l’ennemi approche, il ne donne point d’ordre à ses sujets d’aller se faire tuer pour lui en vertu de sa certaine science & pleine puissance : il y va lui-même, range ses poules derrière lui & combat jusqu’à la mort. S’il est vainqueur, c’est lui qui chante le Te-Deum. Dans la vie civile, il n’y a rien de si galant, de si honnête, de si désintéressé. Il a toutes les vertus. A-t-il dans son bec royal un grain de bled, un vermisseau, il le donne à la première de ses sujettes qui se présente. Enfin Salomon dans son sérail n’approchait pas d’un coq de basse-cour.

S’il est vrai que les abeilles soient gouvernées