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Liberté de penser.

la paix n’est point troublée ; mais si quelque protecteur insolent d’un mauvais poëte voulait forcer tous les gens de goût à trouver bon ce qui leur paraît mauvais, alors les sifflets se feraient entendre & les deux partis pourraient se jeter des pommes à la tête comme il arriva une fois à Londres. Ce sont ces tyrans des esprits, qui ont causé une partie des malheurs du monde ; nous ne sommes heureux en Angleterre que depuis que chacun jouït librement du droit de dire son avis.

MÉDROSO.

Nous sommes aussi fort tranquilles à Lisbonne où personne ne peut dire le sien.

BOLDMIND.

Vous êtes tranquilles, mais vous n’êtes pas heureux ; c’est la tranquillité des galériens qui rament en cadence & en silence.

MÉDROSO.

Vous croyez donc que mon ame est aux galères ?

BOLDMIND.

Oui, & je voudrais la délivrer.

MÉDROSO.

Mais si je me trouve bien aux galères ?

BOLDMIND.

En ce cas vous méritez d’y être.