Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 2.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
Liberté de penser.
BOLDMIND.

Trouvez-vous que nous soyons si malheureux nous autres Anglais qui couvrons les mers de vaisseaux, & qui venons gagner pour vous des batailles au bout de l’Europe ? Voyez-vous que les Hollandais qui vous ont ravi presque toutes vos découvertes dans l’Inde, & qui aujourd’hui sont au rang de vos protecteurs, soient maudits de Dieu pour avoir donné une entière liberté à la presse, & pour faire le commerce des pensées des hommes ? L’empire Romain en a-t-il été moins puissant parce que Cicéron a écrit avec liberté ?

MÉDROSO.

Quel est ce Cicéron ? je n’ai jamais entendu parler de cet homme-là ; il ne s’agit pas ici de Cicéron, il s’agit de notre St. Père le Pape, & de St. Antoine de Padouë, & j’ai toûjours ouï dire que la Religion Romaine est perdue si les hommes se mettent à penser.

BOLDMIND.

Ce n’est pas à vous à le croire, car vous êtes sûrs que votre religion est divine, & que les portes d’enfer ne peuvent prévaloir contre elle : si cela est, rien ne pourra jamais la détruire.

MÉDROSO.

Non ; mais on peut la réduire à peu de chose, & c’est pour avoir pensé que la Suède, le Dannemarck, toute votre île, la moitié de l’Allema-