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Torture.

La Providence nous met quelquefois à la torture en y employant la pierre, la gravelle, la goutte, le scorbut, la lèpre, la vérole grande ou petite, le déchirement d’entrailles, les convulsions des nerfs & autres exécuteurs des vengeances de la Providence.

Or, comme les premiers despotes furent de l’aveu de tous leurs courtisans des images de la Divinité, ils l’imitèrent tant qu’ils purent.

Ce qui est très singulier, c’est qu’il n’est jamais parlé de question, de torture dans les livres juifs. C’est bien dommage qu’une nation si douce, si honnête, si compatissante, n’ait pas connu cette façon de savoir la vérité. La raison en est, à mon avis, qu’ils n’en avaient pas besoin, Dieu la leur faisait toûjours connaître comme à son peuple chéri. Tantôt on jouait la vérité aux trois dés, & le coupable qu’on soupçonnait avait toûjours rafle de six. Tantôt on allait au grand-Prêtre, qui consultait Dieu sur le champ par l’urim & le tummim. Tantôt on s’adressait au Voyant, au Prophète, & vous croyez bien que le Voyant & le Prophète découvrait tout aussi bien les choses les plus cachées que l’Urim & le Tummim du grand-Prêtre. Le peuple de Dieu n’était pas réduit comme nous à interroger, à conjecturer ; ainsi la torture ne put être chez lui en usage. Ce fut la seule chose qui manquât aux mœurs du peuple saint. Les Romains n’infligèrent la torture qu’aux esclaves, mais les esclaves n’étaient pas comptés pour des hommes. Il n’y a pas d’apparence non plus, qu’un Conseiller de la Tournelle regarde comme un de ses semblables