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Tolérance. Sect. II.

de fanatisme ont rendus puissans. Ils ont d’autres puissans sous eux, & ceux-ci en ont d’autres encor, qui tous s’enrichissent des dépouilles du pauvre, s’engraissent de son sang, & rient de son imbécillité. Ils détestent tous la tolérance comme des partisans enrichis aux dépens du public craignent de rendre leurs comptes, & comme des tyrans redoutent le mot de liberté. Pour comble, enfin, ils soudoient des fanatiques qui crient à haute voix, Respectez les absurdités de mon maître, tremblez, payez, & taisez-vous.

C’est ainsi qu’on en usa longtems dans une grande partie de la terre ; mais aujourd’hui que tant de sectes se balancent par leur pouvoir, quel parti prendre avec elles ? toute secte, comme on sait, est un titre d’erreur, il n’y a point de secte de géomètres, d’algébristes, d’arithméticiens, parce que toutes les propositions de géométrie, d’algèbre, d’arithmétique sont vraies. Dans toutes les autres sciences on peut se tromper. Quel théologien Thomiste ou Scotiste oserait dire sérieusement qu’il est sûr de son fait ?

S’il est une secte qui rappelle les tems des premiers Chrétiens, c’est sans contredit celle des Quakers. Rien ne ressemble plus aux Apôtres. Les Apôtres recevaient l’esprit, & les Quakers reçoivent l’esprit. Les Apôtres & les Disciples parlaient trois ou quatre à la fois dans l’assemblée au troisième étage, les quakers en font autant au rez-de-chaussée. Il était permis, selon St. Paul, aux femmes de prêcher,