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Superstition.

gnorance, l’entousiasme, & la crasse, qui se sont fait un devoir & une gloire de l’oisiveté & de la gueuserie ; ceux qui au moins ont été inutiles pendant leur vie, méritent-ils l’apothéose après leur mort ?

Remarquez que les tems les plus superstitieux ont toûjours été ceux des plus horribles crimes.


SUPERSTITION.

Section seconde


Le superstitieux est au fripon ce que l’esclave est au tyran. Il y a plus encor ; le superstitieux est gouverné par le fanatique, & le devient. La superstition née dans le Paganisme, adoptée par le Judaïsme, infecta l’Église chrétienne dès les premiers tems. Tous les Pères de l’Église sans exception crurent au pouvoir de la magie. L’Église condamna toûjours la magie, mais elle y crut toûjours : elle n’excommunia point les sorciers comme des fous qui étaient trompés, mais comme des hommes qui étaient réellement en commerce avec les diables.

Aujourd’hui la moitié de l’Europe croit que l’autre a été longtems & est encor superstitieuse. Les Protestants regardent les reliques, les indulgences, les macérations, les prières pour les morts, l’eau bénite, & presque tous les rites de l’Église romaine, comme une démence supers-