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Religion. II. Quest.

ple par des lumières supérieures. Telle est la marche de l’esprit humain.

Quel est cet être qu’on aura d’abord invoqué ? Sera-ce le soleil ? sera-ce la lune ? je ne le crois pas. Examinons ce qui se passe dans les enfans ; ils sont à peu près ce que sont les hommes ignorans. Ils ne sont frappés ni de la beauté, ni de l’utilité de l’astre qui anime la nature, ni des secours que la lune nous prête, ni des variations régulières de son cours ; ils n’y pensent pas ; ils y sont trop accoutumés. On n’adore, on n’invoque, on ne veut apaiser que ce qu’on craint ; tous les enfans voient le ciel avec indifférence ; mais, que le tonnerre gronde, ils tremblent ; ils vont se cacher. Les premiers hommes en ont sans doute agi de même. Il ne peut y avoir que des espèces de philosophes qui aient remarqué le cours des astres, les aient fait admirer, & les aient fait adorer ; mais des cultivateurs simples & sans aucune lumière, n’en savaient pas assez pour embrasser une erreur si noble.

Un village se sera donc borné à dire ; Il y a une puissance qui tonne, qui grêle sur nous, qui fait mourir nos enfans, apaisons-la ; mais comment l’apaiser ? Nous voyons que nous avons calmé par de petits présents la colère des gens irrités, faisons donc de petits présents à cette puissance. Il faut bien aussi lui donner un nom. Le premier qui s’offre est celui de Chef, de Maître, de Seigneur ; cette puissance est donc appelée Monseigneur. C’est probablement la raison pour laquelle les premiers Égyp-