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Philosophe.

Sans Mr. d’Argenson, il arrivait que le digne fils d’un faussaire, procureur de Vire, & reconnu faussaire lui-même, proscrivait la vieillesse du neveu de Corneille.

Il est si aisé de séduire son pénitent, que nous devons bénir Dieu que ce le Tellier n’ait pas fait plus de mal. Il y a deux gîtes dans le monde, où l’on ne peut tenir contre la séduction & la calomnie ; ce sont le lit & le confessionnal.

Nous avons toûjours vû les philosophes persécutés par des fanatiques. Mais est-il possible que les gens de lettres s’en mêlent aussi ? & qu’eux-mêmes ils aiguisent souvent contre leurs frères les armes dont on les perce tous l’un après l’autre ?

Malheureux gens de lettres, est-ce à vous d’être délateurs ? Voyez si jamais chez les Romains il y eut des Garasses, des Chaumeix, des Hayet, qui accusassent les Lucrèces, les Possidonius, les Varrons & les Plines.

Être hypocrite ? quelle bassesse ! mais être hypocrite & méchant, quelle horreur ! il n’y eut jamais d’hypocrites dans l’ancienne Rome, qui nous comptait pour une petite partie de ses sujets. Il y avait des fourbes, je l’avoue, mais non des hypocrites de religion, qui sont l’espèce la plus lâche & la plus cruelle de toutes. Pourquoi n’en voit-on point en Angleterre, & d’où vient y en a-t-il encor en France ? Philosophes, il vous sera aisé de résoudre ce problème.