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Persécution.

PERSÉCUTION.



Ce n’est pas Dioclétien que j’appellerai persécuteur, car il fut dix-huit ans entiers le protecteur des Chrétiens ; & si dans les derniers tems de son Empire il ne les sauva pas des ressentimens de Galérius, il ne fut en cela qu’un Prince séduit & entraîné par la cabale au-delà de son caractère, comme tant d’autres.

Je donnerai encor moins le nom de persécuteurs aux Trajans, aux Antonins, je croirais prononcer un blasphème.

Quel est le persécuteur ? c’est celui dont l’orgueil blessé, & le fanatisme en fureur irritent le Prince, ou les Magistrats contre des hommes innocens, qui n’ont d’autre crime que de n’être pas de son avis. Impudent, tu adores un Dieu, tu prêches la vertu, & tu la pratiques ; tu as servi les hommes, & tu les as consolés ; tu as établi l’orpheline, tu as secouru le pauvre, tu as changé les déserts où quelques esclaves traînaient une vie misérable, en campagnes fertiles peuplées de familles heureuses ; mais j’ai découvert que tu me méprises, & que tu n’as jamais lu mon livre de controverse : tu sais que je suis un fripon, que j’ai contrefait l’écriture de G***, que j’ai volé des **** ; tu pourrais bien le dire, il faut que je te prévienne ; j’irai donc chez le confesseur du premier Ministre ou chez le Podestat.