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Tout est Bien.

ry le chapitre des moralistes, vous y verrez ces paroles.

« On a beaucoup à répondre à ces plaintes des défauts de la nature. Comment est-elle sortie si impuissante & si défectueuse des mains d’un être parfait ? mais je nie qu’elle soit défectueuse… sa beauté résulte des contrariétés, & la concorde universelle naît d’un combat perpétuel… Il faut que chaque être soit immolé à d’autres ; les végétaux aux animaux, les animaux à la terre… & les loix du pouvoir central & de la gravitation, qui donnent aux corps célestes leur poids & leur mouvement, ne seront point dérangées pour l’amour d’un chétif animal, qui tout protégé qu’il est par ces mêmes loix, sera bientôt par elles réduit en poussière. »

Bolingbroke, Shaftsbury, & Pope, leur metteur en œuvre, ne résolvent pas mieux la question que les autres : leur tout est bien, ne veut dire autre chose, sinon que le tout est dirigé par des loix immuables ; qui ne le sait pas ? vous ne nous apprenez rien quand vous remarquez après tous les petits enfans, que les mouches sont nées pour être mangées par des araignées, les araignées par les hirondelles, les hirondelles par les pies-grièches, les pies-grièches par les aigles, les aigles pour être tués par les hommes, les hommes pour se tuer les uns les autres, & pour être mangés par les vers, & ensuite par les diables, au moins mille sur un.

Voilà un ordre net & constant parmi les