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Athée, Athéisme. Sect. I.

athées, car les dieux n’existaient pas pour des hommes qui ne craignaient ni n’espéraient rien d’eux. Le sénat Romain était donc réellement une assemblée d’athées du tems de César & de Cicéron.

Ce grand orateur dans sa harangue pour Cluentius, dit à tout le sénat assemblé, quel mal lui fait la mort ? nous rejetons toutes les fables ineptes des enfers, qu’est-ce donc que la mort lui a ôté ? Rien que le sentiment des douleurs.

César, l’ami de Catilina, voulant sauver la vie de son ami, contre ce même Cicéron, ne lui objecte-t-il pas que ce n’est point punir un criminel que de le faire mourir, que la mort n’est rien, que c’est seulement la fin de nos maux, que c’est un moment plus heureux que fatal ? Cicéron, & tout le sénat ne se rendent-ils pas à ces raisons ? Les vainqueurs & les législateurs de l’univers connu, formaient donc visiblement une société d’hommes qui ne craignaient rien des dieux, qui étaient de véritables athées ?

Bayle examine ensuite si l’idolâtrie est plus dangereuse que l’Athéïsme, si c’est un crime plus grand de ne point croire à la Divinité que d’avoir d’elle des opinions indignes ; il est en cela du sentiment de Plutarque ; il croit qu’il vaut mieux n’avoir nulle opinion, qu’une mauvaise opinion ; mais, n’en déplaise à Plutarque, il est évident qu’il valait infiniment mieux pour les Grecs de craindre Cérès, Neptune & Jupiter, que de ne rien craindre du tout ; il est clair que la sainteté des serments est néces-