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Athée, Athéisme. Sect. I.

En quoi une société d’athées paraît-elle impossible ? C’est qu’on juge que des hommes qui n’auraient pas de frein, ne pourraient jamais vivre ensemble, que les loix ne peuvent rien contre les crimes secrets, qu’il faut un Dieu vengeur qui punisse dans ce monde-ci ou dans l’autre les méchants échappés à la justice humaine.

Les loix de Moïse, il est vrai, n’enseignaient point une vie à venir, ne menaçaient point des châtiments après la mort, n’enseignaient point aux premiers Juifs l’immortalité de l’ame ; mais les Juifs, loin d’être athées, loin de croire se soustraire à la vengeance divine, étaient les plus religieux de tous les hommes. Non seulement ils croyaient l’existence d’un Dieu éternel : mais ils le croyaient toûjours présent parmi eux ; ils tremblaient d’être punis dans eux-mêmes, dans leurs femmes, dans leurs enfans, dans leur postérité, jusqu’à la quatrième génération ; & ce frein était très puissant.

Mais, chez les gentils, plusieurs sectes n’avaient aucun frein ; les sceptiques doutaient de tout ; les académiciens suspendaient leur jugement sur tout ; les Épicuriens étaient persuadés que la Divinité ne pourrait se mêler des affaires des hommes ; & dans le fond, ils n’admettaient aucune divinité. Ils étaient convaincus que l’ame n’est point une substance, mais une faculté qui naît & qui périt avec le corps, par conséquent ils n’avaient aucun joug que celui de la morale & de l’honneur. Les sénateurs & les chevaliers Romains étaient de véritables