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nature s’armât pour venger ce sacrilège. On a fort vanté les Égyptiens. Je ne connais guère de peuple plus méprisable ; il faut qu’il y ait toûjours eu dans leur caractère, & dans leur gouvernement un vice radical, qui en a toûjours fait de vils esclaves. Je consens que dans les tems presqu’inconnus, ils aient conquis la terre ; mais dans les tems de l’histoire ils ont été subjugués par tous ceux qui s’en sont voulu donner la peine, par les Assyriens, par les Grecs, par les Romains, par les Arabes, par les Mamelus, par les Turcs, enfin par tout le monde, excepté par nos croisés, attendu que ceux-ci étaient plus mal avisés que les Égyptiens n’étaient lâches. Ce fut la milice des Mamelus qui battit les Français. Il n’y a peut-être que deux choses passables dans cette nation ; la première, que ceux qui adoraient un bœuf ne voulurent jamais contraindre ceux qui adoraient un singe, à changer de religion ; la seconde, qu’ils ont fait toûjours éclore des poulets dans des fours.

On vante leurs pyramides ; mais ce sont des monumens d’un peuple esclave. Il faut bien qu’on y ait fait travailler toute la nation, sans quoi on n’aurait pu venir à bout d’élever ces vilaines masses. À quoi servaient-elles ? À conserver dans une petite chambre la momie de quelque prince ou de quelque gouverneur, ou de quelque intendant que son ame devait ranimer au bout de mille ans. Mais s’ils espéraient cette résurrection des corps, pourquoi leur ôter la cervelle avant de les em-