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Amour nommé Socratique

plus fort dans l’homme que dans la femme, c’est une loi que la nature a établie pour tous les animaux. C’est toûjours le mâle qui attaque la femelle.

Les jeunes mâles de notre espèce, élevés ensemble, sentant cette force que la nature commence à déployer en eux, & ne trouvant point l’objet naturel de leur instinct, se rejettent sur ce qui lui ressemble. Souvent un jeune garçon par la fraîcheur de son teint, par l’éclat de ses couleurs, & par la douceur de ses yeux, ressemble pendant deux ou trois ans à une belle fille ; si on l’aime, c’est parce que la nature se méprend ; on rend hommage au sexe en s’attachant à ce qui en a les beautés, & quand l’âge a fait évanouïr cette ressemblance, la méprise cesse.

Citraque juventam
Ætatis breve ver & primos carpere flores.

On sait assez que cette méprise de la nature est beaucoup plus commune dans les climats doux que dans les glaces du septentrion, parce que le sang y est plus allumé, & l’occasion plus fréquente ; aussi, ce qui ne paraît qu’une faiblesse dans le jeune Alcibiade, est une abomination dégoûtante dans un matelot Hollandais, & dans un vivandier Moscovite.

Je ne peux souffrir qu’on prétende que les Grecs ont autorisé cette licence. On cite le législateur Solon, parce qu’il a dit en deux mauvais vers,