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Julien le Philosophe.

sortit de terre des feux qui empêchèrent l’ouvrage. On dit que c’est un miracle, & que ce miracle ne convertit ni Julien, ni Alipius intendant de cette entreprise, ni personne de sa cour, & là-dessus l’Abbé de La Bléterie s’exprime ainsi : « Lui & les philosophes de sa cour mirent sans doute en œuvre ce qu’ils savaient de physique pour dérober à la Divinité un prodige si éclatant. La nature fut toûjours la ressource des incrédules, mais elle sert la religion si à propos qu’ils devraient au moins la soupçonner de collusion. »

Premièrement, il n’est pas vrai qu’il soit dit dans l’Évangile que jamais le temple juif ne serait rebâti. L’Évangile de Matthieu, écrit visiblement après la ruine de Jérusalem par Titus, prophétise, il est vrai, qu’il ne resterait pas pierre sur pierre de ce temple de l’Iduméen Hérode, mais aucun Évangéliste ne dit qu’il ne sera jamais rebâti.

Secondement, qu’importe à la Divinité qu’il y ait un temple juif, ou un magasin, ou une mosquée au même endroit où les Juifs tuaient des bœufs & des vaches ?

Troisièmement, on ne sait pas si c’est de l’enceinte des murs de la ville, ou de l’enceinte du temple que partirent ces prétendus feux qui, selon quelques-uns, brûlaient les ouvriers. Mais on ne voit pas pourquoi Jésus aurait brûlé les ouvriers de l’Empereur Julien, & qu’il ne brûla point ceux du Calife Omar qui longtems après bâtit une mosquée sur les ruines du temple ; ni ceux du grand Saladin qui ré-