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Amour

s’amalgament avec l’or : l’amitié, l’estime viennent au secours ; les talents du corps & de l’esprit sont encor de nouvelles chaînes.

Nam facit ipsa suis interdum foemina factis,
Morigerisque modis & mundo corpore cultu
Ut facile insuescat secum vir degere vitam.

(Lucrèce Liv. V.)

L’amour-propre surtout resserre tous ces liens. On s’applaudit de son choix, & les illusions en foule sont les ornements de cet ouvrage dont la nature a posé les fondements.

Voilà ce que tu as au-dessus des animaux ; mais si tu goûtes tant de plaisirs qu’ils ignorent, que de chagrins aussi, dont les bêtes n’ont point d’idée ! Ce qu’il y a d’affreux pour toi, c’est que la nature a empoisonné dans les trois quarts de la terre les plaisirs de l’amour, & les sources de la vie, par une maladie épouvantable, à laquelle l’homme seul est sujet, & qui n’infecte que chez lui les organes de la génération.

Il n’en est point de cette peste comme de tant d’autres maladies qui sont la suite de nos excès. Ce n’est point la débauche qui l’a introduite dans le monde. Les Phriné, les Laïs, les Flora, les Messalines n’en furent point attaquées, elle est née dans des îles où les hommes vivaient dans l’innocence, & de là elle s’est répanduë dans l’ancien monde.

Si jamais on a pu accuser la nature de mépriser son ouvrage, de contredire son plan,

d’agir