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Joseph.

ont passé dans toutes les langues ; mais je ne vois chez eux aucune avanture comparable à celle de Joseph. Presque tout en est merveilleux, & la fin peut faire répandre des larmes d’attendrissement. C’est un jeune homme de seize ans dont ses frères sont jaloux ; il est vendu par eux à une caravane de marchands Ismaëlites, conduit en Égypte, & acheté par un eunuque du roi. Cet eunuque avait une femme, ce qui n’est point du tout étonnant ; le Kislar-Aga eunuque parfait, à qui on a tout coupé, a aujourd’hui un sérail à Constantinople : on lui a laissé ses yeux & ses mains, & la nature n’a point perdu ses droits dans son cœur. Les autres eunuques, à qui on n’a coupé que les deux accompagnements de l’organe de la génération, emploient encor souvent cet organe ; & Putiphar à qui Joseph fut vendu, pouvait très bien être du nombre de ces eunuques.

La femme de Putiphar devient amoureuse du jeune Joseph, qui fidèle à son maître & à son bienfaiteur, rejette les empressements de cette femme. Elle en est irritée, & accuse Joseph d’avoir voulu la séduire. C’est l’histoire d’Hippolite & de Phèdre, de Bellérophon & de Stenobée, d’Hebrus & de Damasippe, de Tanis & de Péribée, de Mirtil & d’Hipodamie, de Pélée & de Demenette.

Il est difficile de savoir quelle est l’originale de toutes ces histoires ; mais chez les anciens auteurs arabes, il y a un trait touchant l’avanture de Joseph & de la femme de Putiphar, qui est fort ingénieux. L’auteur suppose que