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Idole, Idolâtre, Idolâtrie.

Kan chez les Tartares n’était point idolâtre, & n’avait aucun simulacre. Les Musulmans qui remplissent la Grèce, l’Asie mineure, la Syrie, la Perse, l’Inde & l’Afrique, appellent les Chrétiens idolâtres, giaours, parce qu’ils croient que les chrétiens rendent un culte aux images. Ils brisèrent plusieurs statues qu’ils trouvèrent à Constantinople dans St. Sophie, & dans l’église des Sts. Apôtres, & dans d’autres qu’ils convertirent en mosquées. L’apparence les trompa comme elle trompe toûjours les hommes, & leur fit croire que des temples dédiés à des saints qui avaient été hommes autrefois, des images de ces saints révérées à genoux, des miracles opérés dans ces temples, étaient des preuves invincibles de l’idolâtrie la plus complète. Cependant il n’en est rien. Les Chrétiens n’adorent en effet qu’un seul Dieu, & ne révèrent dans les bienheureux que la vertu même de Dieu qui agit dans ses saints. Les Iconoclastes & les Protestants ont fait le même reproche d’idolâtrie à l’Église, & on leur a fait la même réponse.

Comme les hommes ont eu très rarement des idées précises, & ont encor moins exprimé leurs idées par des mots précis, & sans équivoque, nous appelames du nom d’Idolâtres les gentils, & surtout les Polythéistes. On a écrit des volumes immenses, on a débité des sentimens divers sur l’origine de ce culte rendu à Dieu, ou à plusieurs Dieux sous des figures sensibles : cette multitude de livres & d’opinions ne prouve que l’ignorance.