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Idole, Idolâtre, Idolâtrie.

voir si on doit saisir ce prétexte pour nous accuser d’idolâtrie ?

On n’avait imaginé qu’une seule Diane, un seul Apollon, un seul Esculape ; non pas autant d’Apollons, de Dianes & d’Esculapes qu’ils avaient de temples & de statues. Il est donc prouvé, autant qu’un point d’histoire peut l’être, que les anciens ne croyaient pas qu’une statue fût une divinité, que le culte ne pouvait être rapporté à cette statue, à cette idole, & que par conséquent les anciens n’étaient point idolâtres.

Une populace grossière & superstitieuse qui ne raisonnait point, qui ne savait ni douter, ni nier, ni croire, qui courait aux temples par oisiveté, & parce que les petits y sont égaux aux grands, qui portait son offrande par coutume, qui parlait continuellement de miracles sans en avoir examiné aucun, & qui n’était guère au-dessus des victimes qu’elle amenait ; cette populace, dis-je, pouvait bien, à la vue de la grande Diane, & de Jupiter tonnant, être frappée d’une horreur religieuse, & adorer sans le savoir, la statue même ; c’est ce qui est arrivé quelquefois dans nos temples à nos paysans grossiers, & on n’a pas manqué de les instruire que c’est aux bienheureux, aux immortels reçus dans le ciel, qu’ils doivent demander leur intercession, & non à des figures de bois & de pierre, & qu’ils ne doivent adorer que Dieu seul.

Les Grecs & les Romains augmentèrent le nombre de leurs dieux par des apothéoses ;