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Idole, Idolâtre, Idolâtrie.

sur la terre qui ait pris ce nom d’idolâtre. Ce mot est une injure, un terme outrageant, tel que celui de Gavache que les Espagnols donnaient autrefois aux Français, & celui de Maranes que les Français donnaient aux Espagnols. Si on avait demandé au sénat de Rome, à l’aréopage d’Athènes, à la cour des rois de Perse, Êtes-vous idolâtres ? ils auraient à peine entendu cette question. Nul n’aurait répondu, Nous adorons des images, des idoles. On ne trouve ce mot, Idolâtre, Idolâtrie, ni dans Homère, ni dans Hésiode, ni dans Hérodote, ni dans aucun auteur de la religion des Gentils. Il n’y a jamais eu aucun édit, aucune loi qui ordonnât qu’on adorât des idoles, qu’on les servît en Dieux, qu’on les regardât comme des Dieux.

Quand les capitaines Romains & Carthaginois faisaient un traité, ils attestaient tous leurs Dieux. C’est en leur présence, disaient-ils, que nous jurons la paix. Or les statues de tous ces Dieux, dont le dénombrement était très long, n’étaient pas dans la tente des généraux ; ils regardaient les Dieux comme présens aux actions des hommes, comme témoins, comme juges, & ce n’est pas assurément le simulacre qui constituait la divinité.

De quel œil voyaient-ils donc les statues de leurs fausses divinités dans les temples ? Du même œil, s’il est permis de s’exprimer ainsi, que nous voyons les images des objets de notre vénération. L’erreur n’était pas d’adorer un morceau de bois ou de marbre, mais