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Guerre.

une langue inconnue à tous ceux qui ont combattu, & de plus toute farcie de barbarismes. La même chanson sert pour les mariages & pour les naissances, ainsi que pour les meurtres ; ce qui n’est pas pardonnable, surtout dans la nation la plus renommée pour les chansons nouvelles.

La Religion naturelle a mille fois empêché des citoyens de commettre des crimes. Une ame bien née n’en a pas la volonté, une ame tendre s’en effraie. Elle se représente un Dieu juste & vengeur ; mais la Religion artificielle encourage à toutes les cruautés qu’on exerce de compagnie, conjurations, séditions, brigandages, embuscades, surprises de villes, pillages, meurtres. Chacun marche gaiement au crime sous la bannière de son saint.

On paye partout un certain nombre de harangueurs pour célébrer ces journées meurtrières ; les uns sont vêtus d’un long justaucorps noir, chargé d’un manteau écourté ; les autres ont une chemise par dessus une robe ; quelques-uns portent deux pendants d’étoffe bigarrée, par-dessus leur chemise. Tous parlent longtems ; ils citent ce qui s’est fait jadis en Palestine, à propos d’un combat en Vétéravie.

Le reste de l’année ces gens-là déclament contre les vices. Ils prouvent en trois points & par antithèses que les dames qui étendent légèrement un peu de carmin sur leurs joues fraîches, seront l’objet éternel des vengeances éternelles de l’Éternel ; que Polyeucte & Atha-