Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 1.djvu/327

Cette page a été validée par deux contributeurs.
321
Gloire.

GLOIRE.



Ben-al-bétif, ce digne chef des derviches leur disait un jour : Mes frères, il est très bon que vous vous serviez souvent de cette sacrée formule de notre Koran, Au nom de Dieu très miséricordieux ; car Dieu use de miséricorde, & vous apprenez à la faire en répétant souvent les mots qui recommandent une vertu, sans laquelle il resterait peu d’hommes sur la terre. Mais, mes frères, gardez-vous bien d’imiter ces téméraires qui se vantent à tout propos de travailler à la gloire de Dieu. Si un jeune imbécile soutient une thèse sur les catégories, thèse à laquelle préside un ignorant en fourrure, il ne manque pas d’écrire en gros caractères à la tête de sa thèse ; Ek Allah abron doxa : Ad majorem Dei gloriam. Un bon musulman a-t-il fait blanchir son sallon, il grave cette sottise sur sa porte ; un Saka porte de l’eau pour la plus grande gloire de Dieu. C’est un usage impie qui est pieusement mis en usage. Que diriez-vous d’un petit Chiaoux, qui en vuidant la chaise percée de notre Sultan, s’écrierait, À la plus grande gloire de notre invincible Monarque ? Il y a certainement plus loin du Sultan à Dieu, que du Sultan au petit Chiaoux.

Qu’avez-vous de commun, misérables vers de terre appelés hommes avec la gloire de l’Être infini ? Peut-il aimer la gloire ? Peut-il en