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Genèse.

conforme à l’ancienne idée des Phéniciens, qui avaient imaginé que Dieu employa des Dieux inférieurs pour débrouiller le chaos, le Chaut Ereb. Les Phéniciens étaient depuis longtems un peuple puissant qui avait sa théogonie avant que les Hébreux se fussent emparés de quelques villages vers son pays. Il est bien naturel de penser que quand les Hébreux eurent enfin un petit établissement vers la Phénicie, ils commencèrent à apprendre la langue, surtout lorsqu’ils y furent esclaves. Alors, ceux qui se mêlèrent d’écrire copièrent quelque chose de l’ancienne théologie de leurs maîtres ; c’est la marche de l’esprit humain.

Dans le tems où l’on place Moïse, les philosophes phéniciens en savaient probablement assez pour regarder la terre comme un point, en comparaison de la multitude infinie de globes que Dieu a placés dans l’immensité de l’espace qu’on nomme le Ciel. Mais cette idée si ancienne & si fausse, que le ciel a été fait pour la terre, a presque toûjours prévalu chez le peuple ignorant. C’est à peu près comme si on disait que Dieu créa toutes les montagnes & un grain de sable, & qu’on s’imaginât que ces montagnes ont été faites pour ce grain de sable. Il n’est guère possible que les Phéniciens si bons navigateurs n’eussent pas de bons astronomes : mais les vieux préjugés prévalaient, & ces vieux préjugés furent la seule science des Juifs.

La terre était tohu bohu & vuide ; les ténèbres