Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 1.djvu/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.
300
Fraude.

je leur ai dit quand ils ont été malades, voilà une médecine très amère, il faut avoir le courage de la prendre ; elle vous nuirait si elle était douce ; je n’ai jamais souffert que leurs gouvernantes & leurs précepteurs leur fissent peur des esprits, des revenans, des lutins, des sorciers ; par-là j’en ai fait de jeunes citoyens courageux & sages.

Bambabef.

Le peuple n’est pas né si heureusement que votre famille.

Ouang.

Tous les hommes se ressemblent ; ils sont nés avec les mêmes dispositions. Ce sont les faquirs qui corrompent la nature des hommes.

Bambabef.

Nous leur enseignons des erreurs, je l’avoue, mais c’est pour leur bien. Nous leur faisons accroire que s’ils n’achètent pas de nos clous bénis, s’ils n’expient pas leurs péchés en nous donnant de l’argent, ils deviendront dans une autre vie, chevaux de poste, chiens, ou lézards. Cela les intimide, & ils deviennent gens de bien.

Ouang.

Ne voyez-vous pas que vous pervertissez ces pauvres gens ? Il y en a parmi eux bien plus qu’on ne pense, qui raisonnent, qui se moquent de vos miracles, de vos superstitions, qui voient fort bien qu’ils ne seront changés