Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 1.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
Ame

de soixante & dix, reprendra le fil des idées qu’elle avait dans son âge de puberté ; par quel tour d’adresse une ame dont la jambe aura été coupée en Europe, & qui aura perdu un bras en Amérique, retrouvera cette jambe & ce bras, lesquels ayant été transformés en légumes, auront passé dans le sang de quelque autre animal. On ne finirait point si on voulait rendre compte de toutes les extravagances que cette pauvre ame humaine a imaginées sur elle-même.

Ce qui est très singulier, c’est que dans les loix du peuple de Dieu, il n’est pas dit un mot de la spiritualité & de l’immortalité de l’ame, rien dans le Décalogue, rien dans le Lévitique ni dans le Deutéronome.

Il est très certain, il est indubitable, que Moïse en aucun endroit ne propose aux Juifs des récompenses & des peines dans une autre vie, qu’il ne leur parle jamais de l’immortalité de leurs ames, qu’il ne leur fait point espérer le ciel, qu’il ne les menace point des enfers, tout est temporel.

Il leur dit avant de mourir, dans son Deutéronome : « Si après avoir eu des enfans & des petits-enfans, vous prévariquez, vous serez exterminés du pays, & réduits à un petit nombre dans les nations.

« Je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères jusqu’à la troisième & quatrième génération.

« Honorez père & mère afin que vous viviez longtems.

« Vous aurez de quoi manger sans en manquer jamais.