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d’Ézéchiel, &c.

Ces descriptions qui effarouchent tant d’esprits faibles ne signifient pourtant que les iniquités de Jérusalem & de Samarie ; les expressions qui nous paraissent libres ne l’étaient point alors. La même naïveté se montre sans crainte, dans plus d’un endroit de l’Écriture. Il y est souvent parlé d’ouvrir la vulve. Les termes dont elle se sert pour exprimer l’accouplement de Boos avec Ruth, de Juda avec sa belle-fille, ne sont point déshonnêtes en hébreu, & le seraient en notre langue.

On ne se couvre point d’un voile quand on n’a pas honte de sa nudité ; comment dans ces tems-là aurait-on rougi de nommer les génitoires, puisqu’on touchait les génitoires de ceux à qui l’on faisait quelque promesse ; c’était une marque de respect, un symbole de fidélité, comme autrefois parmi nous les seigneurs châtelains mettaient leurs mains entre celles de leurs seigneurs paramonts.

Nous avons traduit les génitoires par cuisse. Éliezer met la main sous la cuisse d’Abraham : Joseph met la main sous la cuisse de Jacob. Cette coutume était fort ancienne en Égypte. Les Égyptiens étaient si éloignés d’attacher de la turpitude à ce que nous n’osons ni découvrir, ni nommer, qu’ils portaient en procession une grande figure du membre viril nommé Phallum, pour remercier les dieux de faire servir ce membre à la propagation du genre humain.

Tout cela prouve assez que nos bienséances ne sont pas les bienséances des autres peuples.