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Dogmes.

On croira bien que je fus éblouï ; mais ce qu’on ne croira pas, c’est que je vis juger tous les morts ; & qui étaient les juges ? c’étaient, ne vous en déplaise, tous ceux qui ont fait du bien aux hommes, Confucius, Solon, Socrate, Titus, les Antonins, Épictète, tous les grands hommes qui ayant enseigné & pratiqué les vertus que Dieu exige, semblaient seuls être en droit de prononcer ses arrêts.

Je ne dirai point sur quels trônes ils étaient assis, ni combien de millions d’êtres célestes étaient prosternés devant le créateur de tous les globes, ni quelle foule d’habitans de ces globes innombrables comparut devant les juges. Je ne rendrai compte ici que de quelques petites particularités tout à fait intéressantes dont je fus frappé.

Je remarquai que chaque mort qui plaidait sa cause & qui étalait ses beaux sentimens, avait à côté de lui tous les témoins de ses actions. Par exemple, quand le Cardinal de Lorraine se vantait d’avoir fait adopter quelques-unes de ses opinions par le concile de Trente, & que pour prix de son orthodoxie il demandait la vie éternelle, tout aussitôt paraissaient autour de lui vingt courtisanes ou dames de la cour, portant toutes sur le front le nombre de leurs rendez-vous avec le Cardinal. On voyait ceux qui avaient jeté avec lui les fondemens de la Ligue ; tous les complices de ses desseins pervers venaient l’environner.

Vis-à-vis du Cardinal de Lorraine était C....., qui se vantait dans son patois grossier