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Destin.

DESTIN.



De tous les livres qui sont parvenus jusqu’à nous, le plus ancien est Homère ; c’est là qu’on trouve les mœurs de l’antiquité profane, des héros grossiers, des dieux grossiers, faits à l’image de l’homme. Mais c’est là qu’on trouve aussi les semences de la philosophie, & surtout l’idée du destin qui est maître des dieux, comme les dieux sont les maîtres du monde.

Jupiter veut en vain sauver Hector ; il consulte les destinées ; il pèse dans une balance les destins d’Hector & d’Achille ; il trouve que le Troyen doit absolument être tué par le Grec ; il ne peut s’y opposer ; & dès ce moment Apollon, le génie gardien d’Hector, est obligé de l’abandonner. (Iliade liv. 22.) Ce n’est pas qu’Homère ne prodigue souvent dans son poëme, des idées toutes contraires, suivant le privilège de l’antiquité ; mais enfin, il est le premier chez qui on trouve la notion du destin. Elle était donc très en vogue de son tems.

Les Pharisiens, chez le petit peuple Juif, n’adoptèrent le destin que plusieurs siècles après. Car ces Pharisiens eux-mêmes, qui furent les premiers lettrés d’entre les Juifs, étaient très nouveaux. Ils mêlèrent dans Alexandrie une partie des dogmes des stoïciens, aux anciennes idées juives. St. Jérôme prétend même