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Critique.

L’amour contraint les cœurs dont il s’empare,
À souffrir des maux rigoureux.
Si votre sort est en votre puissance,
Faites choix de l’indifférence,
Elle assure un sort plus heureux.

ARMIDE.

Non, non, il ne m’est pas possible
De passer de mon trouble en un état paisible,
Mon cœur ne se peut plus calmer ;
Renaud m’offense trop, il n’est que trop aimable,
C’est pour moi désormais un choix indispensable
De le haïr ou de l’aimer.


Nous lûmes toute la pièce d’Armide, dans laquelle le génie du Tasse reçoit encor de nouveaux charmes par les mains de Quinaut ; Eh bien, dis-je à mon ami, c’est pourtant ce Quinaut que Boileau s’efforça toûjours de faire regarder comme l’écrivain le plus méprisable ; il persuada même à Louis XIV, que cet écrivain gracieux, touchant, pathétique, élégant, n’avait d’autre mérite que celui qu’il empruntait du musicien Lully. Je conçois cela très aisément, me répondit mon ami ; Boileau n’était pas jaloux du musicien, il l’était du poëte. Quel fond devons-nous faire sur le jugement d’un homme, qui pour rimer à un vers qui finissait en aut, dénigrait tantôt Boursaut, tantôt Hainaut, tantôt Quinaut, selon qu’il était bien ou mal avec ces messieurs-là ?