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Corps.

dans ce paradoxe. J’eus, il y a longtems, quelques conversations avec lui ; il me dit que l’origine de son opinion venait de ce qu’on ne peut concevoir ce que c’est que ce sujet qui reçoit l’étenduë. Et en effet, il triomphe dans son livre, quand il demande à Hilas ce que c’est que ce sujet, ce substratum, cette substance ; C’est le corps étendu, répond Hilas ; alors l’évêque, sous le nom de Philonoüs, se moque de lui ; & le pauvre Hilas voyant qu’il a dit que l’étenduë est le sujet de l’étenduë, & qu’il a dit une sottise, demeure tout confus & avoüe qu’il n’y comprend rien, qu’il n’y a point de corps, que le monde matériel n’existe pas, qu’il n’y a qu’un monde intellectuel.

Philonoüs devait dire seulement à Hilas, Nous ne savons rien sur le fond de ce sujet, de cette substance étenduë, solide, divisible, mobile, figurée, &c. Je ne la connais pas plus que le sujet pensant, sentant & voulant ; mais ce sujet n’en existe pas moins, puisqu’il a des propriétés essentielles dont il ne peut être dépouillé.

Nous sommes tous comme la plûpart des dames de Paris ; elles font grande chère sans savoir ce qui entre dans les ragoûts ; de même nous jouissons des corps, sans savoir ce qui les compose. De quoi est fait le corps ? de parties, & ces parties se résolvent en d’autres parties. Que sont ces dernières parties ? Toujours des corps ; vous divisez sans cesse, & vous n’avancez jamais.

Enfin, un subtil philosophe remarquant