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De la Chine.

Avoüons encor qu’ils ont été étonnés de notre thermomètre, de notre manière de mettre des liqueurs à la glace avec du salpêtre, & de toutes les expériences de Torricelli, & d’Otogueric, tout comme nous le fûmes lorsque nous vîmes ces amusements de physique pour la première fois ; ajoutons que leurs médecins ne guérissent pas plus les maladies mortelles, que les nôtres, & que la nature toute seule guérit à la Chine les petites maladies comme ici ; mais tout cela n’empêche pas que les Chinois il y a quatre mille ans, lorsque nous ne savions pas lire, ne sussent toutes les choses essentiellement utiles dont nous nous vantons aujourd’hui.

La religion des lettrés encor une fois est admirable. Point de superstitions, point de légendes absurdes, point de ces dogmes qui insultent à la raison & à la nature, & auxquels des bonzes donnent mille sens différens, parce qu’ils n’en ont aucun. Le culte le plus simple leur a paru le meilleur depuis plus de quarante siècles. Ils sont ce que nous pensons qu’étaient Seth, Hénoc & Noé ; ils se contentent d’adorer un Dieu avec tous les sages de la terre, tandis qu’en Europe on se partage entre Thomas & Bonaventure, entre Calvin & Luther, entre Jansenius & Molina.