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De la Chine.

non, avant Fohi empereur de la Chine, & si ce Fohi vivait trois mille, ou deux mille neuf cents ans avant notre ère vulgaire ? Je voudrais bien que deux Irlandais s’avisassent de se quereller à Dublin pour savoir quel fut au douzième siècle le possesseur des terres que j’occupe aujourd’hui ; n’est-il pas évident qu’ils devraient s’en rapporter à moi qui ai les archives entre mes mains ? Il en est de même à mon gré des premiers empereurs de la Chine ; il faut s’en rapporter aux tribunaux du pays.

Disputez tant qu’il vous plaira sur les quatorze princes qui régnèrent avant Fohi, votre belle dispute n’aboutira qu’à prouver que la Chine était très peuplée alors, & que les loix y régnaient. Maintenant, je vous demande si une nation assemblée, qui a des loix & des princes, ne suppose pas une prodigieuse antiquité ? Songez combien de tems il faut pour qu’un concours singulier de circonstances fasse trouver le fer dans les mines, pour qu’on l’emploie à l’agriculture, pour qu’on invente la navette & tous les autres arts.

Ceux qui font les enfans à coup de plume, ont imaginé un fort plaisant calcul. Le jésuite Pétau, par une belle supputation, donne à la terre 285 ans après le déluge, cent fois plus d’habitans qu’on n’ose lui en supposer à présent. Les Cumberlands & les Whistons ont fait des calculs aussi comiques ; ces bonnes gens n’avaient qu’à consulter les registres de nos colonies en Amérique, ils auraient été bien étonnés, ils auraient appris combien peu le genre hu-