Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée

où je ne vois que des cocos, des ananas & des huîtres, je crois que la chose est très-permise. Le Juif épousa donc sa sœur, & en eut une fille malgré les protestations de l’essénien ; ce fut l’unique fruit d’un mariage que l’un croyait très-légitime, & l’autre abominable.

Au bout de quatorze ans, la mère mourut ; le père dit à l’aumônier, Vous êtes-vous enfin défait de vos anciens préjugés ? voulez-vous épouser ma fille ? Dieu m’en préserve, dit l’essénien. Oh bien je l’épouserai donc moi, dit le père, il en sera ce qui pourra, mais je ne veux pas que la semence d’Abraham soit réduite à rien. L’essénien épouvanté de cet horrible propos ne voulut plus demeurer avec un homme qui manquait à la loi, & s’enfuit. Le nouveau marié avait beau lui crier, Demeurez, mon ami, j’observe la loi naturelle, je sers la patrie, n’abandonnez pas vos amis ; l’autre le laissait crier, ayant toujours la loi dans la tête, & s’enfuit à la nage dans l’île voisine.

C’était la grande île d’Attole, très-peuplée, & très-civilisée ; dès qu’il aborda, on le fit esclave. Il apprit à balbutier la langue d’Attole ; il se plaignit très-amèrement de la façon inhospitalière dont on l’avait reçu ; on lui dit que c’était la loi, & que depuis que l’île avait été sur le point d’être surprise par les habitans de celle d’Ada, on avait sagement réglé que tous les étrangers qui aborderaient dans Attole, seraient mis en servitude. Ce ne peut être