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reverdir sans humidité, & que l’herbe des prés ne peut croître sans eau. Rien n’est moins consolant que cet axiome.

Sophar de Nahamath te reproche d’être un babillard, mais aucun de ces bons amis ne te prête un écu. Je ne t’aurais pas traité ainsi. Rien n’est plus commun que gens qui conseillent, rien de plus rare que ceux qui secourent. C’est bien la peine d’avoir trois amis pour n’en pas recevoir une goutte de bouillon quand on est malade. Je m’imagine que quand Dieu t’eut rendu tes richesses & ta santé, ces éloquents personnages n’osèrent pas se présenter devant toi ; aussi, les amis de Job ont passé en proverbe.

Dieu fut très-mécontent d’eux, & leur dit tout net au chap. 42, qu’ils sont ennuyeux & imprudents ; & il les condamne à une amende de sept taureaux & de sept béliers pour avoir dit des sottises. Je les aurais condamnés pour n’avoir point secouru leur ami.

Je te prie de me dire s’il est vrai que tu vécus cent quarante ans après cette avanture. J’aime à voir que les honnêtes gens vivent longtemps ; mais il faut que les hommes d’aujourd’hui soient de grands fripons tant leur vie est courte.

(Par un malade aux eaux d’Aix-la-Chapelle.)