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nous apprend-il, quand il dit que le chaos, l’esprit, c’est-à-dire le souffle, amoureux de ses principes, en tira le limon, qu’il rendit l’air lumineux, que le vent Colp & sa femme Baü engendrèrent Éon, qu’Éon engendra Genos ? que Cronos leur descendant avait deux yeux par derrière comme par devant, qu’il devint dieu, & qu’il donna l’Égypte à son fils Taut ? Voilà un des plus respectables monuments de l’antiquité.

Orphée antérieur à Sanchoniaton, ne nous en apprendra pas davantage, dans sa Théogonie, que Damascius nous a conservée. Il représente le principe du monde sous la figure d’un dragon à deux têtes, l’une de taureau, l’autre de lion, un visage au milieu, qu’il appelle visage dieu, & des ailes dorées aux épaules.

Mais vous pouvez de ces idées bizarres tirer deux grandes vérités, l’une que les images sensibles & les hiéroglyphes sont de l’antiquité la plus haute ; l’autre que tous les anciens philosophes ont reconnu un premier principe.

Quant au polythéisme, le bon sens vous dira que dès qu’il y a eu des hommes, c’est-à-dire des animaux faibles, capables de raison & de folie, sujets à tous les accidents, à la maladie & à la mort, ces hommes ont senti leur faiblesse & leur dépendance : ils ont reconnu aisément qu’il est quelque chose de plus puissant qu’eux. Ils ont senti une force dans la terre qui fournit leurs aliments ; une dans l’air qui souvent les détruit ; une dans le feu qui consume, et