Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée

Une populace grossière & superstitieuse qui ne raisonnait point, qui ne savait ni douter, ni nier, ni croire, qui courait aux temples par oisiveté, & parce que les petits y sont égaux aux grands, qui portait son offrande par coutume, qui parlait continuellement de miracles sans en avoir examiné aucun, & qui n’était guère au-dessus des victimes qu’elle amenait ; cette populace, dis-je, pouvait bien, à la vue de la grande Diane, & de Jupiter tonnant, être frappée d’une horreur religieuse, & adorer sans le savoir, la statue même ; c’est ce qui est arrivé quelquefois dans nos temples à nos paysans grossiers, & on n’a pas manqué de les instruire que c’est aux bienheureux, aux immortels reçus dans le ciel, qu’ils doivent demander leur intercession, & non à des figures de bois & de pierre, & qu’ils ne doivent adorer que Dieu seul.

Les Grecs & les Romains augmentèrent le nombre de leurs dieux par des apothéoses ; les Grecs divinisaient les conquérants, comme Bacchus, Hercule, Persée. Rome dressa des autels à ses empereurs. Nos apothéoses sont d’un genre différent. Nous avons des saints au lieu de leurs demi-dieux, de leurs dieux secondaires ; mais nous n’avons égard ni au rang, ni aux conquêtes. Nous avons élevé des temples à des hommes simplement vertueux, qui seraient la plupart ignorés sur la terre, s’ils n’étaient placés dans le ciel. Les apothéoses des anciens sont faites par la flatterie, les nôtres par