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Il n’y a jamais eu aucun édit, aucune loi qui ordonnât qu’on adorât des idoles, qu’on les servît en dieux, qu’on les regardât comme des dieux.

Quand les capitaines romains & carthaginois faisaient un traité, ils attestaient tous leurs dieux. C’est en leur présence, disaient-ils, que nous jurons la paix. Or les statues de tous ces dieux, dont le dénombrement était très-long, n’étaient pas dans la tente des généraux ; ils regardaient les dieux comme présents aux actions des hommes, comme témoins, comme juges, & ce n’est pas assurément le simulacre qui constituait la divinité.

De quel oeil voyaient-ils donc les statues de leurs fausses divinités dans les temples ? Du même oeil, s’il est permis de s’exprimer ainsi, que nous voyons les images des objets de notre vénération. L’erreur n’était pas d’adorer un morceau de bois ou de marbre, mais d’adorer une fausse divinité représentée par ce bois & ce marbre. La différence entre eux & nous n’est pas qu’ils eussent des images & que nous n’en ayons point ; la différence est que leurs images figuraient des êtres fantastiques dans une religion fausse, & que les nôtres figurent des êtres réels dans une religion véritable. Les Grecs avaient la statue d’Hercule, & nous celle de Saint Christophe : ils avaient Esculape & sa chèvre, & nous Saint Roch & son chien ; Jupiter armé du tonnerre, & nous Saint Antoine de Padoue, & Saint Jacques de Compostelle.