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déchirent, & depuis ce temps l’Église chrétienne est inondée de sang jusqu’à nos jours.

Le peuple juif était, je l’avoue, un peuple bien barbare. Il égorgeait sans pitié tous les habitans d’un malheureux petit pays sur lequel il n’avait pas plus de droit qu’il n’en a sur Paris & sur Londres. Cependant quand Naaman est guéri de sa lèpre pour s’être plongé sept fois dans le Jourdain, quand pour témoigner sa gratitude à Élisée qui lui a enseigné ce secret, il lui dit qu’il adorera le Dieu des Juifs par reconnaissance, il se réserve la liberté d’adorer aussi le Dieu de son roi. Il en demande permission à Élisée, & le prophète n’hésite pas à la lui donner. Les Juifs adoraient leur Dieu ; mais ils n’étaient jamais étonnés que chaque peuple eût le sien. Ils trouvaient bon que Chamos eût donné un certain district aux Moabites, pourvu que leur Dieu leur en donnât aussi un. Jacob n’hésita pas à épouser les filles d’un idolâtre. Laban avait son Dieu, comme Jacob avait le sien. Voilà des exemples de tolérance chez le peuple le plus intolérant & le plus cruel de toute l’antiquité ; nous l’avons imité dans ses fureurs absurdes, & non dans son indulgence.

Il est clair que tout particulier qui persécute un homme, son frère, parce qu’il n’est pas de son opinion, est un monstre. Cela ne souffre pas de difficulté. Mais le gouvernement ! mais les magistrats ! mais les princes ! comment en useront-ils envers ceux qui ont un autre culte que