Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

faible entendement ; chaque bourgade sentait sa faiblesse, & le besoin qu’elle avait d’un fort protecteur. Elle imaginait cet être tutélaire & terrible résidant dans la forêt voisine, ou sur la montagne, ou dans une nuée. Elle n’en imaginait qu’un seul, parce que la bourgade n’avait qu’un chef à la guerre. Elle l’imaginait corporel, parce qu’il était impossible de se le représenter autrement. Elle ne pouvait croire que la bourgade voisine n’eût pas aussi son dieu. Voilà pourquoi Jephté dit aux habitans de Moab ; vous possédez légitimement ce que votre dieu Chamos vous a fait conquérir, vous devez nous laisser jouir de ce que notre dieu nous a donné par ses victoires.

Ce discours tenu par un étranger à d’autres étrangers est très-remarquable. Les Juifs & les Moabites avaient dépossédé les naturels du pays, l’un & l’autre n’avaient d’autre droit que celui de la force ; & l’un dit à l’autre, Ton dieu t’a protégé dans ton usurpation, souffre que mon dieu me protège dans la mienne.

Jérémie & Amos demandent l’un & l’autre ; quelle raison a eu le dieu Melchom de s’emparer du pays de Gad ? Il paraît évident par ces passages, que l’antiquité attribuait à chaque pays un dieu protecteur. On trouve encor des traces de cette théologie dans Homère.

Il est bien naturel que l’imagination des hommes s’étant échauffée, & leur esprit ayant acquis des connaissances confuses, ils aient bientôt multiplié leurs dieux, & assigné des protecteurs