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parce que tout le monde y est exposé ?

Il y a des nations entières qui ne sont point méchantes ; les Philadelphiens, les Banians n’ont jamais tué personne. Les Chinois, les peuples du Tonquin, de Lao, de Siam, du Japon même, depuis plus de cent ans ne connaissent point la guerre. À peine voit-on en dix ans un de ces grands crimes qui étonnent la nature humaine, dans les villes de Rome, de Venise, de Paris, de Londres, d’Amsterdam, villes où pourtant la cupidité, mère de tous les crimes, est extrême.

Si les hommes étaient essentiellement méchants, s’ils naissaient tous soumis à un être aussi malfaisant que malheureux, qui pour se venger de son supplice leur inspirerait toutes ses fureurs, on verrait tous les matins les maris assassinés par leurs femmes, & les pères par leurs enfans, comme on voit à l’aube du jour des poules étranglées par une fouine qui est venue sucer leur sang.

S’il y a un milliard d’hommes sur la terre, c’est beaucoup ; cela donne environ cinq cents millions de femmes qui cousent, qui filent, qui nourrissent leurs petits, qui tiennent la maison ou la cabane propre, & qui médisent un peu de leurs voisines. Je ne vois pas quel grand mal ces pauvres innocentes font sur la terre. Sur ce nombre d’habitans du globe, il y a deux cents millions d’enfans au moins, qui certainement ne tuent ni ne pillent, & environ autant de vieillards ou de malades qui n’en ont pas