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vent qui soufle du fond de l’Afrique & des mers australes, amène une partie de l’atmosphère africaine, qui retombe en pluie dans les vallées des Alpes ; ces pluies fécondent nos terres ; notre vent du nord à son tour envoie nos vapeurs chez les négres ; nous faisons du bien à la Guinée, & la Guinée nous en fait à son tour. La chaîne s’étend d’un bout de l’univers à l’autre.

Mais il me semble qu’on abuse étrangement de la vérité de ce principe. On en conclut qu’il n’y a si petit atôme dont le mouvement n’ait influé dans l’arrangement actuel du monde entier ; qu’il n’y a si petit accident, soit parmi les hommes, soit parmi les animaux, qui ne soit un chaînon essentiel de la grande chaîne du destin.

Entendons nous : tout effet a évidemment sa cause, à remonter de cause en cause dans l’abime de l’éternité ; mais toute cause n’a pas son effet, à descendre jusqu’à la fin des siècles. Tous les événements sont produits les uns par les autres, je l’avoüe ; si le passé est accouché du présent, le présent accouche du futur ; tout a des pères, mais tout n’a pas toujours des enfans. Il en est ici précisément comme d’un arbre généalogique ; chaque maison remonte, comme on sait, à Adam, mais dans la famille il y a bien des gens qui sont morts sans laisser de postérité.

Il y a un arbre généalogique des événements de ce monde. Il est incontestable que les ha-