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BORNES DE L’ESPRIT
HUMAIN.


Elles sont partout, pauvre docteur. Veux-tu savoir comment ton bras & ton pied obéïssent à ta volonté, & comment ton foye n’y obéït pas ? cherches-tu comment la pensée se forme dans ton chétif entendement, & cet enfant dans l’utérus de cette femme ? Je te donne du temps pour me répondre ; qu’est-ce que la matière ? tes pareils ont écrit dix mille volumes sur cet article ; ils ont trouvé quelques qualités de cette substance : les enfans les connaissent comme toi : mais cette substance, qu’est-ce au fond ? & qu’est-ce que tu as nommé esprit, du mot latin qui veut dire soufle, ne pouvant faire mieux parce que tu n’en as pas d’idée ?

Regarde ce grain de bled que je jette en terre, & dis moi comment il se relève pour produire un tuyau chargé d’un épi. Apprends moi comment la même terre produit une pomme au haut de cet arbre, & une châtaigne à l’arbre voisin ; je pourais te faire un in-folio de questions, auxquelles tu ne devrais répondre que par quatre mots, Je n’en sais rien.

Et cependant tu as pris tes degrés, & tu es fouré, & ton bonnet l’est aussi, & on t’appelle maître. Et cet orgueilleux imbécile, revêtu d’un petit emploi, dans une petite ville,