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toutes les souffrances, de la mort, & de la damnation.

La chûte de l’homme est l’emplâtre que nous mettons à toutes ces maladies particulières du corps & de l’ame, que vous appelez santé générale ; mais Shaftsbury & Bolingbroke se moquent du péché originel ; Pope n’en parle point ; il est clair que leur systême sappe la religion chrêtienne par ses fondements, & n’explique rien du tout.

Cependant, ce systême a été approuvé depuis peu par plusieurs théologiens, qui admettent volontiers les contraires ; à la bonne heure, il ne faut envier à personne la consolation de raisonner comme il peut sur le déluge de maux qui nous inonde. Il est juste d’accorder aux malades désespérés, de manger de ce qu’ils veulent. On a été jusqu’à prétendre que ce systême est consolant. Dieu, dit Pope, voit d’un même œil périr le héros & le moineau, un atôme, ou mille planètes précipitées dans la ruine, une boule de savon, ou un monde se former.

Voilà, je vous l’avouë, une plaisante consolation ; ne trouvez-vous pas un grand lénitif dans l’ordonnance de milord Shaftsbury, qui dit que Dieu n’ira pas déranger ses loix éternelles pour un animal aussi chétif que l’homme ? Il faut avoüer du moins que ce chétif animal a droit de crier humblement, & de chercher à comprendre en criant, pourquoi ces loix éternelles ne sont pas faites pour le bien-être de chaque individu ?