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mes, les hommes pour se tuer les uns les autres, & pour être mangés par les vers, & ensuite par les Diables, au moins mille sur un.

Voilà un ordre net & constant parmi les animaux de toute espèce ; il y a de l’ordre partout. Quand une pierre se forme dans ma vessie, c’est une mécanique admirable, des sucs pierreux passent petit à petit dans mon sang, ils se filtrent dans les reins, passent par les urètres, se déposent dans ma vessie, s’y assemblent par une excellente attraction Newtonienne ; le caillou se forme, se grossit, je souffre des maux mille fois pires que la mort, par le plus bel arrangement du monde ; un chirurgien ayant perfectionné l’art inventé par Tubal-Caïn, vient m’enfoncer un fer aigu & tranchant dans le périnée, saisit ma pierre avec ses pincettes, elle se brise sous ses efforts par un mécanisme nécessaire ; & par le même mécanisme je meurs dans des tourments affreux ; tout cela est bien, tout cela est la suite évidente des principes physiques inaltérables, j’en tombe d’accord, & je le savais comme vous.

Si nous étions insensibles, il n’y aurait rien à dire à cette physique. Mais ce n’est pas cela dont il s’agit ; nous vous demandons s’il n’y a point de maux sensibles, & d’où ils viennent ? Il n’y a point de maux, dit Pope dans sa quatriéme épitre sur le tout est bien ; s’il y a des maux particuliers, ils composent le bien général.

Voilà un singulier bien général, composé de la pierre, de la goute, de tous les crimes, de