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tous les chemins avec des cris douloureux, qui entre dans la maison agité, inquiet, qui descend, qui monte, qui va de chambre en chambre, qui trouve enfin dans son cabinet le maître qu’il aime, & qui lui témoigne sa joye par la douceur de ses cris, par ses sauts, par ses caresses.

Des barbares saisissent ce chien, qui l’emporte si prodigieusement sur l’homme en amitié ; ils le clouent sur une table, & ils le dissèquent vivant pour te montrer les veines mézaraïques. Tu découvres dans lui tous les mêmes organes de sentiment qui sont dans toi. Réponds moi, machiniste ; la nature a-t-elle arrangé tous les ressorts du sentiment dans cet animal, afin qu’il ne sente pas ? a-t-il des nerfs pour être impassible ? Ne suppose point cette impertinente contradiction dans la nature.

Mais les maîtres de l’école demandent ce que c’est que l’ame des bêtes ? Je n’entends pas cette question. Un arbre a la faculté de recevoir dans ses fibres sa sêve qui circule, de déployer les boutons de ses feuilles & de ses fruits ; me demanderez-vous ce que c’est que l’ame de cet arbre ? il a reçu ces dons ; l’animal a reçu ceux du sentiment, de la mémoire, d’un certain nombre d’idées. Qui a fait tous ces dons ? qui a donné toutes ces facultés ? celui qui fait croître l’herbe des champs, & qui fait graviter la terre vers le soleil.

Les ames des bêtes sont des formes substantielles, a dit Aristote, & après Aristote l’Ecole