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BETES.


Quelle pitié, quelle pauvreté, d’avoir dit que les Bêtes sont des machines, privées de connaissance & de sentiment, qui font toujours leurs opérations de la même manière, qui n’apprennent rien, ne perfectionnent rien, &c !

Quoi, cet oiseau qui fait son nid en demi-cercle quand il l’attache à un mur, qui le bâtit en quart de cercle quand il est dans un angle, & en cercle sur un arbre ; cet oiseau fait tout de la même façon ? Ce chien de chasse que tu as discipliné pendant trois mois, n’en sçait-il pas plus au bout de ce temps, qu’il n’en sçavait avant les leçons ? Le serin à qui tu apprends un air, le repète-t-il dans l’instant ? n’employes-tu pas un temps considérable à l’enseigner ? n’as-tu pas vû qu’il se méprend & qu’il se corrige ?

Est-ce parce que je te parle, que tu juges que j’ai du sentiment, de la mémoire, des idées ? Eh bien, je ne te parle pas ; tu me vois entrer chez moi l’air affligé, chercher un papier avec inquiétude, ouvrir le bureau où je me souviens de l’avoir enfermé, le trouver, le lire avec joie. Tu juges que j’ai éprouvé le sentiment de l’affliction & celui du plaisir, que j’ai de la mémoire & de la connaissance.

Porte donc le même jugement sur ce chien qui a perdu son maître, qui l’a cherché dans