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verain, avoir à faire à des courtisans Athées, dont l’intérêt serait de m’empoisonner ; il me faudrait prendre au hazard du contrepoison tous les jours. Il est donc absolument nécessaire pour les Princes & pour les peuples, que l’idée d’un etre suprême créateur, gouverneur, rémunérateur & vengeur soit profondément gravée dans les esprits.

Il y a des peuples Athées, dit Bayle dans ses pensées sur les comètes. Les Caffres, les Hottentots, les Topinamboux, & beaucoup d’autres petites nations, n’ont point de Dieu ; ils ne le nient ni ne l’affirment, ils n’en ont jamais entendu parler ; dites leur qu’il y en a un, ils le croiront aisément ; dites leur que tout se fait par la nature des choses, ils vous croiront de même. Prétendre qu’ils sont Athées est la même imputation que si l’on disait qu’ils sont anti-Cartésiens, ils ne sont ni pour, ni contre Descartes. Ce sont de vrais enfans ; un enfant n’est ni Athée, ni Déiste, il n’est rien.

Quelle conclusion tirerons-nous de tout ceci ? Que l’Athéïsme est un monstre très-pernicieux dans ceux qui gouvernent, qu’il l’est aussi dans les gens de cabinet, quoique leur vie soit innocente, parce que de leur cabinet ils peuvent percer jusqu’à ceux qui sont en place ; que s’il n’est pas si funeste que le fanatisme, il est presque toujours fatal à la vertu. Ajoutons surtout qu’il y a moins d’Athées aujourd’hui que jamais, depuis que les philosophes ont reconnu qu’il n’y a aucun être végétant sans germe, au-